Informations générales
Au 19ème siècle,
l'art des mosaïques connut un renouveau triomphal. Non seulement des
mosaïques antiques et moyenâgeuses furent assainies à grands frais,
mais apparurent de nouvelles décorations mussives de grande qualité.
En procédant dans un atelier à la préfabrication des plus importantes
parties, de grandes superficies furent ainsi décorées rapidement et
à moindres frais. En raison de leur haute qualité artistique, des possibilités
presque illimitées dans la configuration des couleurs, mais avant tout
en raison de leur durabilité, les décorations en mosaïque, > ces
peintures éternelles« furent employées dans des lieux autant laïques
que religieux en Europe. On prit cependant peu en considération le fait
que certes les murs et les couches de mortier mais surtout chacune des
petites pierres de la mosaïque soient sujettes à la dégradation par
le simple fait du vieillissement ou par les influences de l'environnement,
et qu'à travers cela, c'était l'oeuvre d'art dans son ensemble qui était
en danger.
C'est dans ces circonstances
que le projet NEMOREK a vu le jour. En 2003 :
- le Chapitre
de la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle,
- la Société d'Economie
Mixte (SEM) de l'Accueil de Lourdes
- et le Dipartimento
di Scienze Ambientali dell' Università Ca' Foscari de Venise
se sont joints à
leurs partenaires locaux, et aux services d'entretien des monuments
allemands, français, italiens et espagnols pour former un réseau, ayant
pour but de réaliser, au niveau européen, un échange interdisciplinaire
sur les questions de restauration et de conservation des mosaïques artistiques
des 19ème et 20ème siècles. Ce réseau demeure toutefois ouvert à d'autres
participants ainsi qu'à d'autres contributions sur le plan de la concertation.
La restauration de
mosaïques représente toujours une série de mesures, d'analyses et expériences,
qui ne peuvent être harmonisées de manière rationnelle que dans le cadre
d'une coopération internationale. Sur la base de l'exemple parfait que
constituent les décorations mosaïquées de la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle
et de la basilique du Rosaire de Lourdes, les méthodes de documentation,
d'analyse, de conservation et de restauration seront examinées et développées.
Les premiers résultats de ce projet seront présentés à un large public,
en 2004, lors d'une exposition itinérante.
Les objectifs du projet
Ce projet a principalement
pour but de :
- créer un réseau
européen interdisciplinaire pour les questions principales de restauration
des mosaïques par l'utilisation des effets synergiques, de même que
de développer les bases d'une future coopération institutionnelle,
- contribuer activement
à la conservation et à la préservation des mosaïques en Europe, en tant
qu'exemple significatif de l'héritage culturel européen,
- recréer un lien
artistique, en partie perdu, dans l'ensemble de l'Europe,
- réunir dans le
contexte historique le passé et l'avenir à travers l'emploi de méthodes
innovantes,
- contribuer à un
échange du savoir-faire ainsi que des spécialistes dans le domaine de
la restauration des mosaïques des 19ème et 20ème siècles,
- développer, optimiser
et propager des méthodes innovantes de restauration des mosaïques mais
également de participer au niveau européen aux pratiques de restauration,
- élargir la qualification
de futurs jeunes restaurateurs parmi les partenaires et les institutions
intéressées,
- exercer un effet
positif sur le développement régional et touristique en préservant le
patrimoine culturel de rang européen, et promouvoir l'économie, en particulier
celle des petites et moyennes entreprises,
- préserver la fonction
première, c'est-à-dire sacrale, de chaque objet, qui fera l'objet de
recherches poussées,
- rendre possible
l'exercice illimité du culte, d'acquérir les bases analytiques pour
une restauration adéquate des décorations mosaïquées, et d'apporter,
à travers l'expérience personnelle, de l'aide à d'autres monuments historiques,
institutions et organisation, qui se retrouveront à plus ou moins longue
échéance face à des problèmes semblables de restauration de mosaïques.
LES RESTAURATIONS PAR SITE
Aix- la- Chapelle
La Cathédrale
d'Aix- la- Chapelle
La Cathédrale d'Aix-
la- Chapelle compte au rang des églises les plus anciennes en Allemagne.
Vers l'an 800 Charlemagne fit construire une collégiale octogonale à
double déambulatoire, un ouvrage occidental immense et des annexes,
dont le rapport. architectural avec la résidence royale est immédiat;
une collégiale, dont la splendeur et la grandeur ne seront dépassées
que quelques siècles plus tard. Cette église de l'empereur Charles,
église du couronnement de près de 30 rois du Saint Empire et foyer de
l'un des plus grands lieux de pèlerinage, est toujours de nos jours
le coeur architectural de la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle, autour
duquel à l'époque gothique et baroque se sont regroupées des constructions
de haut rang. Tout particulièrement le choeur gothique, construit au
14ème, début du 15ème siècle, n'a pas son pareil en audace avec ses
grandes surfaces de verre et sa construction libre de tous contreforts.
En 1978, la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle fut le premier monument allemand
à faire partie de la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
L'entretien des monuments à la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle
Un tel édifice grandissant,
a au fil des siècles encore et toujours soulevé des problèmes de conservation.
Dès les débuts de la protection et de l'entretien des monuments au 19ème
siècle, la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle fut en permanence le point
de mire des discussions entre spécialistes. En 1985 commencèrent les
plus grands travaux de remise en état jamais entrepris, au cours desquels
il fut déjà possible d'achever les travaux du choeur gothique, d'une
partie des chapelles annexes de même que les toits et les fermes, travaux
pour lesquels de nouvelles techniques trouvèrent leur application, tout
particulièrement dans le nettoiement en surface. A l'heure actuelle
s'effectue la remise en état extérieure de la partie centrale ainsi
que sa consolidation statique, des mesures sont également sur le point
d'être prises pour l'assainissement intérieur, mesures qui s'étendront
nécessairement aux mosaïques du Second Empire.
Les mosaïques de la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle
Après les troubles
des années 1800, au cours desquelles la Révolution française s'étendit
militairement vers l'Allemagne, alors que Napoléon annexa la Rhénanie
à la France et que les Prussiens se rendirent finalement maître de la
ville en 1815, il fut décidé de transformer la Cathédrale de Charlemagne
en un monument de l'histoire allemande et de l'empire chrétien du Moyen
Age. Après presque 50 ans de discussions, on décida de réaménager l'intérieur
carolingien: l'octogone, à l'aide de mosaïques et d'un revêtement de
marbre dans le style néobyzantin. Vers 1880/81, Antonio Salviati créa,
d'après les ébauches du Belge Jean Bethune, la nouvelle mosaïque de
la coupole, en accord avec des précédents moyenâgeux; jusqu'en 1913
le professeur Hermann Schaper et l'atelier berlinois Puhl & Wagner
transformèrent les déambulatoires et le tambour. Les dégâts mineurs
occasionnés par la Seconde Guerre mondiale purent être réparés en 1964.
A l'heure actuelle,
les mosaïques nécessitent une restauration. Quelques pierres tombent
déjà, des cavités se creusent sous le mortier, l'encens, la suie de
bougie et l'influence de l'environnement ont fortement sali la surface.
Il est prévu, dans
les années à venir, de réaliser une documentation précise des dégâts,
des évolutions dans la consolidation de la mosaïque et de ses composantes
ainsi que l'évolution dans le nettoiement permettant de ménager et préserver
en particulier les vernis anciens.
Les travaux effectués
sur la décoration mosaïquée ont d'ores et déjà été préparés dans une
dissertation portant sur les questions de l'histoire et de l'histoire
de l'art, qui fut suggérée etsoutenue par le Chapitre de la Cathédrale: Ulrike Wehling: Die Mosaiken im Aachener
Munster und ihre Vorstufen. Kdln/Bonn 1995 (= Arbeitsheft der rheinischen
Denkmalpflege 46). Ce travail représente une base primordiale dans l'étude
sur la restauration des mosaïques, en prenant tout à fait en compte
les œuvres plus anciennes.
LES PARTENAIRES DE LA CATHEDRALE D'AIX- LA- CHAPELLE
DANS LE PROJET NEMOREK
Les partenaires de
la Cathédrale d'Aix- la- Chapelle dans le projet NEMOREK sont :
- Le Service Rhénan
pour l'Entretien des monuments, Pulheim- Brauweiler, représenté par
les Dr. Lutz- Henning Meyer, Dr. Ulrike Heckner et le Dipl.- Rest. Christian
Schaab,
- L'Office diocésain
des bâtiments de l'Évêché d'Aix- la- Chapelle, représenté par le conservateur
diocésain, Dipl.- Ing. Elmar von Reth,
- Et la Sopraintendenza
die Beni Culturale de Milan, représentée par le Dr. Rosa Auletta Marrucci.
Lourdes
La Basilique du Rosaire de Lourdes
Depuis qu'en 1858,
à Lourdes, la Vierge apparut à Bernadette dans une grotte, ce lieu compte
parmi les lieux de pèlerinage les plus importants au monde. Environ
5,5 millions de pèlerins venus du monde entier viennent visiter chaque
année cette grotte et les lieux sacrés environnants. Pendant la période
principale de pèlerinage, entre Pâques et la fin octobre, ils viennent
par milliers à Lourdes, où ils trouvent les églises ouvertes jour et
nuit, et où un peu plus de 250 hôtels et auberges les accueillent.
Quelques années après
l'apparition de la Vierge Marie, on commença la construction de la Basilique
supérieure (à partir de 1863), devant laquelle fut placée, deux décennies
plus tard, la Basilique du Rosaire et ses 15 chapelles représentant
les mystères du Rosaire. L'architecte du projet, Léopold Hardy, construisit
la nouvelle basilique dans la roche des montagnes de Lourdes, de sorte
qu'elle se trouve dans l'axe de la Basilique supérieure et qu'en la
construisant si basse, elle ne nuise pas à l'édifice existant.
Les mosaïques de la Basilique du Rosaire
Après de longues
discussions, les responsables avaient décidé de laisser à Gian Domenico
Facchina la soin de décorer l'intérieur de la Basilique. Facchina avait
auparavant installé les mosaïques du Grand Opéra de Paris et avait laissé
breveter sa technique de pré- fabrication des mosaïques par l'INPI (Institut
National de la Propriété Industrielle), technique qui lui permettait
de proposer des prix 10 à 12 fois inférieurs à ceux des artistes classiques.
La qualité de l’œuvre
de Facchina, les nombreuses nuances de couleurs font des mosaïques vénitiennes
de Lourdes un patrimoine européen exceptionnel.
Après plus d'un siècle,
les problèmes d'humidité sont devenus apparents et ont gravement endommagé
l'édifice, en particulier ses mosaïques. La pierre (Pierre de Charente)
utilisée par Hardy pour la construction des chapelles intérieures est
très tendre. En raison des particularités physiques de cette pierre,
on s'était, à l'époque, déjà vu dans l'obligation d'amarrer les mortiers
porteurs à l'aide de clous de fer fixés dans une cheville de bois de
chêne ancrée elle-même sur l’ouvrage de maçonnerie. Ce procédé aura
eu cependant des conséquences fâcheuses, car l'humidité s'infiltrant
attaqua les chevilles de chêne de même que les clous de fer. Les clous
rouillés provoquèrent alors l'éclatement du mortier, et donc également
celui des mosaïques, de sorte que de grands emplacements vides apparurent.
Outre l'humidité, des sels s'infiltrèrent également dans les mosaïques,
qui ne firent qu'aggraver les dégâts, et ceux de chacune des pierres.
La SEM de l'Accueil
de Lourdes avait, il y a quelques années, réalisé la construction d'un
lieu d'accueil adapté aux personnes handicapées. Elle se chargea ensuite
de l'organisation des travaux de restauration de la Basilique du Rosaire.
Bernard Voinchet, architecte en chef des Monuments Historiques, dirigea
dans un premier temps les travaux de maçonnerie et des toitures, afin
d'éviter l'infiltration de l'eau et d'extraire l'humidité qui provoquait
le développement de salpêtre et autres dépôts salins. En même temps,
des analyses du mortier des murs porteurs ainsi que des études hygrométriques
furent menées avec le soutien du laboratoire de physique appliquée à
l'archéologie de l'Université de Bordeaux. Un plan des travaux de restauration
fut établi, comprenant les points suivants :
- Sondage systématique
et repérage des altérations (lacunes, présence de sels, décollement
du tapis des tesselles... )
- Relevés photographiques
et dessinés
- Inventaire des
coloris manquants et réalisation d'un nuancier à partir d'échantillons
prélevés sur place
- Entoilage à l'aide
d'une toile de coton collée avec de l'alcool polyvinylique de la périphérie
des lacunes comblées au ciment pour faciliter leur purge
- Purge à l'intérieur
des lacunes du mortier pulvérulent et passivation des clous en fer
- Préparation des
fonds avant repose, fixation des mortiers par des clous en cuivre
- Consolidations
ponctuelles de zone de léger décollement par injection d'émulsion acrylique
avec une seringue ou des petits entonnoirs en terre
- Extraction des
sels dans les zones lacunaires par application de fibres de cellulose
imprégnées d'eau déminéralisée et après séchage enlèvement des compresses
- Essai d'extraction
des sels des joints et de la mosaïque
- Essai de nettoyage
des surfaces à l'aide de solutions d'eau et de bicarbonate à différentes
concentrations.
La partie artistique
des travaux de restauration fut prise en charge par les professeurs
de l'école de mosaïque de Spilimbergo dans le Frioul italien conseillés
par Maryse de Stefano Andrys, Docteur en Histoire de l'Art. Une des
difficultés majeures pour eux consistait à réaliser des mosaïques avec
les mêmes teintes et les mêmes caractéristiques que celles utilisées
par Facchina. La reconstitution d'une surface mosaïquée d'environ 10
m2 nécessita 150 couleurs de tesselles, parmi lesquelles douze différentes
teintes dorées !
Les partenaires de la SEM de l'Accueil de Lourdes
dans le projet NEMOREK sont :
- l'Officine de gestion
des monuments de la Direction Générale du Patrimoine Culturel de la
Generalitat de Barcelone (SP),
- l'école de mosaïque
de Spilimbergo,
- l'Architecte en
Chef des Monuments Historiques pour la région de Lourdes, M. Bernard
Voinchet,
- la Section physique
appliquée à l'archéologie de l'Université de Bordeaux (Prof. Max Schvoerer
et
Mlle Sophie Desgouilles)
- Mme Colonel, Architecte
des Bâtiments de France)
- et Maryse de Stefano
Andrys, Docteur en Histoire de l'Art et spécialiste internationale pour
l'art
musive du 19ème siècle
Venise
Venise fut aux 19ème
et 20ème siècles le plus important lieu de production de mosaïques et
de pierres à mosaïques dans le monde entier. Salviati y avait son atelier,
Facchina y fit son apprentissage. Les mosaïques de la Basilique Saint-
Marc, qui depuis leur création au Moyen Age firent l'objet de remaniements,
de compléments et de restauration permanents, sont aujourd'hui encore
les témoins de la longue tradition des décorations mussives et du grand
savoir des artistes vénitiens.
Un groupe de chercheurs
de l'Université Ca'Foscari de Venise collabore au projet NEMOREK. II
est depuis des décennies actif dans le domaine de la préservation du
patrimoine historique et culturel. Leurs activités scientifiques sont
tournées principalement vers l'interdisciplinaire, englobant des compétences
qui s'étendent de la chimie et de son application dans le domaine particulier
de la restauration architecturale à celui de la géologie et de son application
àl'archéologie. Ce groupe de chercheurs travaille avant tout dans le
laboratoire de matériaux modernes de l'Université Ca'Foscari dans les
domaines suivants :
- analyse des processus
de dégradation des composantes architecturales, en particulier les pierres,
le mortier, les mosaïques, les enduits, métaux etc.,
- études du comportement
des matériaux, en particulier des matériaux traditionnels vénitiens,
et des sites archéologiques du milieu méditerranéen,
- développement de
nouveaux matériaux spécialement pour la restauration, avec une attention
particulière pour la maçonnerie traditionnelle en brique, pour les mortiers
et enduits à base de chaux de même que pour les mortiers d'application
dans les décorations mosaïquées,
- développement de
nouvelles technologies pour la reconstitution, la restauration et la
préservation des biens culturels.
Les recherches seront
effectuées en collaboration avec des entreprises et des institutions
italiennes et étrangères (Offices des monuments, Universités, industries,
l'École Polytechnique d'Athènes, l'Université de Bordeaux, l'École polytechnique
de Lisbonne, l'Université de Torun etc.). En conformité avec la fonction
principale d'une institution universitaire, le groupe de chercheurs
se charge de manière active de l'apprentissage de jeunes gens dans le
cadre d'un diplôme universitaire de »Chimie et technologies dans les
domaines de la conservation et de la restauration«. Ce diplôme universitaire
a pour but d'apporter à ces élèves des connaissances solides en chimie
et tout particulièrement celle des matériaux, alliant le tout à une
formation classique adéquate et une préparation à l'aspect culturel
de la conservation et de la préservation de ces biens.
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